Témoignage poignant

Le coureur kényan habite à Pacé depuis 2013. Entraîné par Loïc Rapinel, Jackson Omwowo-Onami participait, ce week-end, au semi-marathon de la Loire à Saumur où il s’est classé 4e. Courir, c’est son métier et sa passion.


Son arrivée en France

« Je suis arrivé il y a quatre ans. À l’époque, je ne parlais qu’anglais, c’était une vraie barrière de communication. Petit à petit, j’ai appris la langue française : en regardant la télé, en lisant les journaux. Chaque année, j’améliore ma langue alors que je n’ai jamais pris de cours ! À Pacé, je m’entraîne avec mon président, Loïc Rapinel. Un homme très gentil et qui aime le sport. Il me donne un programme d’entraînement, m’emmène sur les cross.

J’étais déjà venu en Europe en 2009, à Brest. Et la première course que j’avais faite, c’était le 10 km de Pacé, une course organisée par… Loïc Rapinel ! Depuis ce temps, on est resté en contact. En 2013, il a bien voulu m’aider à revenir en France, m’a envoyé la lettre d’invitation officielle et j’ai déposé mon dossier à l’ambassade, au Kenya. Je rentre parfois voir ma famille au Kenya, à Kisii (à l’Ouest du pays). »

Sa vie d’avant au Kenya

« Quand j’étais petit, j’étais obligé de courir 16 km par jour pour aller à l’école. Je faisais donc 8 km le matin et 8 le soir, dès mes 7 ans ! Et sans chaussure. C’était la vie très dure, pas comme en France où le bus vient juste à côté de la maison chercher les enfants. On était obligé de courir car si on arrivait en retard, le professeur nous punissait. Mon corps s’est habitué. Après quelques années, je me suis dit que je pouvais commencer la course pour la compétition. C’est la vie qui nous fait devenir des marathoniens.

À partir de 14 ans, je suis allé dans une autre école et je devais faire 19 km par jour. En Afrique, on ne peut pas dire à son papa qu’on est malade et qu’on ne veut pas aller à l’école. Si papa dit : « je ferme les yeux, quand je les ouvre, tu es parti ». Tu ne poses pas de question et tu pars. À 18 ans j’ai arrêté l’école à cause de l’argent. »

Sa vie à Rennes, ses objectifs


« Je me plais à Rennes. Les Bretons sont très sympas. Ils nous aident, nous les étrangers. Je ne sais pas combien de temps je resterai, car ça dépend de la course à pied. Surtout que mon visa ne me permet pas de travailler en France. Je peux rester sur le territoire, mais je n’ai pas le droit de travailler. Dans deux ans, mon objectif est de faire un marathon en moins de 2 h 14. Il faut que je bosse bien pour ça. Il n’y a pas de miracle, il faut travailler, le corps doit s’habituer à ce type d’effort. Moi, je cours deux fois par jour, matin et soir, 15 km. C’est plus que quand j’étais enfant car j’ai grandi !

Je cours bien en ce moment car je n’ai pas de stress, je suis calme. Pour faire du sport de haut niveau, il faut avoir ce cadre de vie. En Afrique, parfois, tu fais l’entraînement, tu n’as pas mangé. Et donc tu peux devenir faible. Si les marathoniens courent comme des fous, c’est parce qu’ils ont été pauvres dans la vie. Si tu accélères, le Kényan va accélérer avec toi jusqu’au bout. C’est mental. Pour nous, une course peut changer la vie. Et si tu gagnes, c’est cool (sourire) ! »

« Venir en Europe, c’était mon rêve. Je l’ai réalisé. Il faut avoir des objectifs dans la vie. Pour les migrants, la situation est horrible. Si les gens décident de partir de leur pays, en se disant qu’ils veulent aller n’importe où, c’est que chez eux il y a des choses très mauvaises. Un Français ne se dirait jamais ça. Je viens d’Afrique, je les comprends. Ces gens sont mals. Ils viennent chercher la vie. En Afrique, il y a la guerre dans des pays et parfois, c’est même l’État qui te dit de partir. Vivre dans un pays où il y a la guerre, ce n’est pas possible, tu es stressé et tu es prêt à tout : à prendre le bateau, même si tu sais que la quantité de gasoil ne suffira pas pour arriver au bout. Au Kenya, parfois certaines choses ne vont pas, mais je ne veux pas trop en parler… »

Lu dans OUEST-FRANCE RUNNING :  PUBLIÉ LE 18/04/2017 À 11:20 NICOLAS MANGEARD.

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