Desafio Andes 2006
Il y a des raids incomparables, uniques et supérieurs où il ne faut pas seulement pouvoir répondre aux sollicitations importantes du physique afin de gravir puis de descendre les cols de la Cordillère des Andes qui
permettent de passer d’Argentine au Chili, mais également avoir la capacité à bivouaquer, à se laver dans l’eau dégelée des torrents, à vivre en groupe loin de toute civilisation. C’est ce que propose MTB Tours avec son Défi des Andes que j’ai eu le grand plaisir d’accomplir du samedi 4 février 2006 au samedi 11 février 2006.
RESPONSABLE MTB TOURS
D’Alessandro Mariano Argentine
PARTIPANTS au RAID
Cameiro Gustavo Brésil
Cendon Juan Antonio Espagne
Chemin Duarte Lais Brésil
Del Pino Ricardo Guillermo Argentine
Driano Jorge Argentine
Gianpie France / Italie
Granja Gabriel Uruguay
Izurieta Carlos Argentine
Lozano Daniel Argentine
Melläo Martini Christiane Brésil
Orosco Christian Argentine
Peruvemba Sid Allemagne
ENCADREMENT MTB TOURS
Danielo Argentine
Carlos Argentine
Thomas Argentine
Gustavo Argentine
VUE SATELLITE DU RAID
1ère étape / Dimanche 5 février 2006
Malargüe / Bardas Blancas (67,4 kms)
Dénivelé 740 m. / Moyenne 2% / Maxi 10%
Mariano nous avait prévenus; aujourd’hui sera une journée « de mise en route » sans difficulté. Tu parles, 69 kms, un dénivelé de 750 mètres, ascension d’un « paso » à 2000 mètres et pour couronner le tout un fort vent de face (qui sera présent les 6 jours) avec à la clef de nombreux nuages de poussière. De quoi ne pas être très rassuré pour les prochains jours. Consolation, les paysages sont grandioses comme on n’en voit pas en Europe. Après le petit déjeuner, Mariano nous avait réuni en ce premier jour de course, nous les 12 « riders »(un Allemand, un espagnol, un Uruguayen, un Brésilien, deux Brésiliennes, moi le Franco/Italien et cinq Argentins) pour nous donner le programme de la semaine, ses recommandations et détailler plus particulièrement le programme de la journée qui nous conduit de Malargüe, au pied de la Cordillère des Andes, à Bardas Blancas, par une route interminable, goudronnée pour les 20 premiers kilomètres, puis pour le reste, constituée de terre, de pierres, avec des bancs de sable apportés par le vent (les Argentins appellent ce revêtement « ripio »). Deux 4/4 partirons devant, avec Thomas, Carlos et Gustavo (nos cuisiniers, anges gardiens) afin d’être en mesure de préparer les campements du midi et du soir) et un mini-car de queue, conduit par Danielo, prendra en charge les retardataires ou les personnes en éventuelles méforme passagère. Mon épouse, Simone, qui ne fait pas de vélo, prendra place également dans ce véhicule. Une dernière vérification des vélos (le mien avait dû, le veille, subir une réparation importante consistant en un changement du dérailleur arrière suite à un voyage en « soutes » Air France tumultueux) et c’est à 11 heures « pétantes » que le peloton prend le départ. Mariano roule avec nous. Nous traversons ensemble Malargüe par ce qui doit être la rue principale. Il fait chaud. Très chaud même. Trois kilomètres après la sortie de Malargüe, un petit groupe se détache (Gabriel l’Uruguayen, Antonio l’Espagnol, Christian un Argentin, et moi-même). La veille au soir, en dînant, je m’étais désigné mes trois compagnons de route comme étant certainement les plus «affutés » du groupe. Au bout de cinq kilomètres parcourus ensemble, la vitesse s’accélère progressivement. Elle atteint rapidement les 30 kms/h, malgré le vent de face qui nous gifle. Je sens que je vais craquer. Je tente un dernier « coup de bleuf » en prenant un relais violent. J’explose. Mes trois compagnons s’échappent, me laissant seul sur ces longues lignes droites en légère montée (2 à 3%) dans un décor de « cinémascope » que seule la Cordillère des Andes peut offrir. Je prends un coup au moral, d’autant plus que peu après (on est alors au douzième kilomètre environ), Sid (c’est le prénom du jeune Allemand) et Carlos (Argentin de 66 ans), me rejoignent. Le parcours devient de plus en plus pentu. J’accélère. Sid et Carlos décrochent rapidement. Je ne les reverrai plus de sitôt. Je parcours les 32 kms qui nous séparent du point de rendez vous pour le déjeuner, seul. Plus le temps passe et malgré une température de 38°, je me sens de mieux en mieux, un coup de Gatorade de temps à autre, une gorgée d’eau toute les cinq minutes et me voilà dans les derniers tournants qui mènent au Paso à 2000 mètres d’altitude. L’asphalte a depuis longtemps laissé la place au fameux « ripio » qui nous accompagnera jusqu’au dernier jour. Je suis seul et soudainement inquiet. Je n’ai plus de nouvelles de mes trois ex-compagnons de la première heure, qui doivent être loin devant, et derrière moi personnes. Si je m’étais trompé de route ! Je m’arête en pleine montée du dernier grand lacet du paso pour observer si quelqu’un arrive derrière moi. Personne. Je décide de redescendre sur près de 2km pour enfin rencontrer Carlos qui monte doucement. Je fais demi-tour et prends sa roue, puis je le dépasse avant d’atteindre le paso. Deux kilomètres de descente et c’est le point de rendez vous pour le déjeuner. La table est dressée et les trois échappés matinaux sont, bien sûr, déjà assis en train de s’alimenter. Il faudra attendre un quart d’heure pour voir arriver Carlos. Les autres parviendront par la suite au point de rendez vous toutes les cinq minutes environs. Laïs et Christiane, les deux Brésiliennes sont montées dans la voiture de queue. Après le déjeuner, l’après midi, il nous reste à faire 22 kms de descente. Pas facile du tout ces derniers kilomètres sur un « ripio » difficile (pour moi) à maîtriser. Tout compte fait je préfère monter. Je reste très prudent et parviens au campement du soir « sain et sauf ». Ouf, s’en est fini pour cette première journée en VTT. Demain sera un autre jour et maintenant place au campement. C’est notre premier campement, et je dirai même que pour moi c’est une première dans ce domaine. On nous a dressé de petites tentes de deux à trois personnes, en rond dans une forêt et pas très lois d’une petite épicerie très très typique (on y trouve de tout). Nous installons nos matelas et nos sacs de couchage, prêts pour la nuit. A 17 heures, on nous sert sous une grande tente (la salle à manger) quelques gateaux. Juste de quoi se refaire une santé. A 20 heures c’est au tour de déguster quelques morceaux de fromages, des cacahuètes…le tout arrosé de jus de fruit ou de coca. A 21h30, c’est le dîner (viandes au feu de bois). Tout au long de notre raid nous aurons droit à ces « happy hours » où nous dégusterons (le mot n’est pas trop fort) des mets tout à fait savoureux (pâtes au pesto, risotto…). Un grand bravo aux cuisiniers. A 23 heures c’est l’extinction des feux (si l’on peut dire), chacun regagnant sa tente. Pour ma part, s’agissant de mon premier campement je reste attentif. Au petit matin, on se félicitera, mon épouse et moi, d’avoir passé une excellente nuit. L’expérience aura été concluante (fort heureusement puisque qu’elle est appelée à se renouveler les quatre prochaines nuits).
2ème étape / Lundi 6 février 2006
Bardas Blancas / Las Loicas (36,7 kms)
Dénivelé 300 m. / Moyenne 1% / Maxi 7%
Après le petit déjeuner pris à 8h15, puis le pliage des tentes sous la responsabilité des campeurs, une vérification des vélos est entreprise par chaque cycliste. Ceux qui le souhaitent peuvent être assistés par les équipes MTB Tours. L’étape sera courte (37 kms), annonce Mariano. Le parcours, après la traversée du pont sur le Rio Grande, mènera par une large vallée où coule un torrent , au bout de 14 kms d’asphalte, à un contrôle de police Argentin. Les cyclistes s’y regrouperont en vue des formalités. Le peloton démarre à 10h30. Dès le départ deux coureurs s’échappent, Christian (le jeune Argentin) et moi-même, rejoins après 5 kms par Gabriel (l’Uruguen) qui m’avait tant plus la veille pour sa performance (j’apprendrai plus tard qu’il est coureur amateur d’excellent niveau et aussi Avocat à Montévidéo). La ligne droite dans cette vallée et sous un soleil écrasant (quoi que moins chaud que la veille-seulement 33°) est parcourue à vive allure (plus de 30 kms/h). Gabriel mène le petit groupe. Il accélère encore, se retourne, me parle, mais je ne comprends pas. Christian, qui est entre nous, traduit : « it’s OK Gianpie »? Je réponds « oui » car je ne veux pas dire non, mais je sais très bien que, comme la veille, à la première accélération je vais décrocher. C’est ce qui se passe à 3 kms du contrôle de police à l’occasion d’une petite grimpette. J’arrive donc troisième au point de rendez vous. Derrière il y a eu du dégât et les derniers arriveront avec ¾ d’heure de retard sur les premiers. Après les contrôles de la police (entièrement pris en charge par Mariano), le peloton repard groupé. La route asphaltée cède alors la place à un « ripio » difficile à maîtriser pour le routier que je veux être. Un trio composé de Gabriel, Christian et Antonio (j’ai appris que notre ami espagnol pratiquait les « iron man » ce qui explique qu’hier soir après l’arrivée il ait souhaité courir une bonne heure) prend le large. Ayant dépassé les autre compétiteurs je me retrouve, comme la veille, seul à 22 kms de l’arrivée Le décor qui nous offert est grandiose et je décide d’en profiter : je ralenti l’allure. Sid (le jeune Allemand) et Ricardo (Argentin de Buenos Aires) me rejoignent puis me dépassent. Ils sont maintenant à 100 mètres devant moi. Je décide de contre-attaquer malgré un ripio pas très stable (mais je commence à m’habituer). J’accélère. Je rejoins puis dépasse Ricardo, puis Sid qui s’était détaché. Je me sens bien ; la route monte légèrement. J’accélère le rythme sur cette route « sans fin » où me croisent et me dépassent de rares voitures dans un nuage de poussière qui m’empêche de voir un long moment après leur passage. J’ai toujours la crainte d’un retour des deux de derrière et j’accélère une nouvelle fois. Au loin, devant moi, j’aperçois un petit point sur la route que je n’identifie pas. A 5 kms de l’arrivée le point semble se rapprocher et je distingue désormais nettement un coureur sans pouvoir le désigner. Sans aucun doute un des trois échappés, mais lequel ? J’ai le sentiment que la forme devant moi se rapproche rapidement. Cela me donne « des ailes ». Je suis désormais « à fond » et ma vitesse est désormais de 28 kms/h. Il est maintenant à portée de pédale et je le distingue, c’est Christian. Nous sommes désormais à 3 kms de l’arrivée. Je me demande si je vais le dépasser ou si je vais faire équipe avec lui pour les ultimes kilomètres. Arrivé à sa hauteur il me regarde et me lance « hello Gianpie ». Je vois qu’il souffre. J’accélère et le dépasse. Impensable ! Je boucle à très vive allure les 3 derniers kilomètres de l’étape. A 500 mètres de l’arrivée je croise Antonio (dit Toni) qui arrive vers moi en courant (sa préparation pour les prochains « Iron Man » le conduit à courir à pied, à son maximum, dès la ligne d’arrivée franchit en vélo). Quelques instant après je franchis la ligne d’arrivée où je suis accueilli par Gabriel qui ma dit « mais ou est Christian ? ». J’apprendrai plus tard que Gabriel est arrivé premier avec 5 minutes d’avance sur Toni et 20 minutes sur moi-même. Sa moyenne a été de 28 kms/h, ce qui me paraît incroyable pour un tel parcours, alors que la mienne s’établit à 20 kms/h. Il faudra attendre 10 minutes, après mon arrivée, pour voir terminer Sid et Ricardo et près d’une heure pour accueillir les derniers du groupe (nos deux charmantes brésiliennes). Demain l’étape s’annonce très difficile, bien que très courte, puisque nous allons passer d’une altitude de 1500 mètres à 2400 mètres.
Mais maintenant, bonne nuit à tous.
3ème étape / Mardi 7 février 2006
Las Loicas / Veranada de Sepulveda (36,9 kms)
Dénivelé 915 m. / Moyenne 3 % / Maxi 10 %
Avant de développer la journée il convient de rapporter le fait divers de la nuit. Vers 3 heures du matin des cris violents, stridents, dans un premier temps, puis graves par la suite, parlant de « vampires » ont percé le silence de la nuit réveillant tout le monde. Ce n’est qu’au petit matin que l’on apprendra qu’Antonio a eu des hallucinations, se croyant attaqué par des vampires. Ses deux compagnons de tente Sid et Gustavo lui ont tenu la main pour le réconforter. Cette situation, qui touche certainement le plus sportif d’entre nous (n’oublions la religion de Toni : le sport et plus particulièrement les « iron man ») m’interpelle… En tout cas elle vaudra un nouveau surnom à Antonio/Toni : « El Conde del los Andes » en référence au compte Dracula. C’est vers 10 heures du matin que le groupe prend le départ de cette 3ème étape qui s’annonce la plus difficile avec 1000 m d’ascension sur du ripio du plus mauvais goût. Après 1 km nous sommes arrêtés au dernier contrôle de police argentine avant d’entrer au Chili. Mariano qui nous a retiré nos passeports la veille au soir se chargent des démarches. Une petite heure après la barrière, nous offrant le chemin vers le Chili, est ouverte par un Gendarme Argentin en personne et on passe alors le Rio Chico. Nous commençons à pédaler sur la rive gauche du Rio Grande qui coule, traçant une imposante vallée. Le décor est planté : spectaculaires formations rocheuses et un Rio Grande de plus en plus rapide et transparent ; bientôt nous atteindrons les hauteurs jusqu’à trouver les premières tâches de neige où nous côtoierons d’incroyable sablière de sable blanc. Les rencontres avec des chevaux et des ovins en complète liberté se font de plus en plus fréquentes. Avec quelques rares voitures également, qui nous croisent laissant derrière elles un nuage de poussière aveuglant. Dès les 3 ou 4 premiers kilomètres franchis, les habituels Gabriel et Antonio « EL Conde » se dégagent du peloton, suivis de Christian mais également aujourd’hui de notre ami Brésilien Gustavo. Je ne peux pas suivre, je me retrouve donc seul une nouvelle fois. Le parcours est un des plus difficiles que j’ai eu à faire. Le dénivelé n’est pas très important 3 ou 4 % mais le ripio et le vent qui souffle de face rendent les conditions très, très, difficiles Il va y avoir du dégât à l’arrière. Au 15 ème kilomètre, je trouve arrêtés nos amis Christian et Gustavo, je m’arrête aussi. Nous prenons quelques photos, bien sûr Antonio et Gabriel sont loin devant. Je me dis que si Gustavo et Christian ne s’étaient pas arrêtés, jamais je le les aurais rejoints. Erreur, et je le constaterai très peu de temps après, Gustavo était au bord de la rupture ; c’est même ce qui a motivé l’arrêt. Il m’est donc assez facile, dès la reprise, en appuyant sur la pédale de décrocher Gustavo en lui lançant amicalement « Brasil déficiantes ». Avec Christian nous roulons un long moment de concert, malgré l’effort et la barrière de langue, il me dit moitié en anglais moitié en espagnol « mon idole c’est Lance », que penses-tu des déclarations du Journal « l’Equipe » ? Je lui dis alors tout « le bien »que je pense de ce quotidien et de ses dirigeants ainsi que de leur passé pour les scandales Jacquet, Deschamps….. d’après ce qu’il me répond je comprends qu’il connaissait la situation et il n’hésite pas à me dire « ces gens là ont fait de la monnaie quand Amstrong gagnait, ils en font encore pour d’autres raisons quand il n’est plus là. C’est un journal à scandales. » Je profite de l’occasion pour signaler tout ce que semble avoir apporté pour le cyclisme Sud Américain Lance. Mes compagnons l’admirent tous sans exception . Tout ceci est bien positif pour le vélo. Nous parvenons Christian et moi après 25 kms au point de rendez-vous pour la déjeuner. Effectivement il y a eu de « la casse » : si Gabriel et Antonio sont arrivés 30 minutes avant nous, Gustavo nous rejoindra 15 minutes après notre arrivée, Sid 25 minutes après et le reste de la troupe avec plus de trois quarts d’heure de retard. Les deux Brésiliennes ont même abandonné et arrivent dans la fourgonnette de queue (sorte de « voiture balai »). Après un déjeuner copieux pris au bord du torrent dans une « conca » magnifique nous repartons pour la deuxième demi-étape courte de 15 kms mais qui se révélera pour moi (et pas que pour moi !) comme une étape des plus éprouvantes. Mes camarades avec lesquels je fais du vélo sur route en France ne comprendront certainement pas que l’on puisse être éprouvé après un kilométrage journalier aussi peu important et pourtant je peux vous assurer que cette journée est épuisante. Une chaussée, certes large, mais qui n’en est réellement pas une, sur laquelle tous les 500 mètres coule de la montagne des ruisseaux de dégel (que nous traversons à vive allure), des pierres, des cailloux, de la terre et des amas de sable ramenés par le vent qui vous font perdre l’équilibre lorsque vous roulez dedans ,ajoutez à ça un vent de face des plus violents, pas d’ombre et une montée pour cette dernière partie de journée qui s’établit entre 4 et 7 % avec des passages à 10 et vous comprendrez sûrement. Gabriel et Antonio sont arrivés depuis longtemps. Quand Christian parvient au but. Je le suis de 5 minutes, derrière Gustavo nous rejoindra 20 minutes après et le dernier du peloton environ une heure après. Nous sommes à 2500 mètres d’altitude dans un cadre sublime, il va faire froid cette nuit (0° environ). Nous prenons un bain dans le torrent puis nous revêtons nos polaires en prévision du froid prévu pour la soirée. Les jambes sont lourdes même pour les meilleurs, mais pour nous réconforter Mariano a prévu un excellent risotto pour 21 h 30.
4ème étape / Mercredi 8 février 2006 Veranada de Sepulveda / Valle del Campanario ( 56,9 kms) Dénivelé 616 m. / Moyenne 4 % / Maxi 22 %
Après une nuit passée à notre campement à 2500 mètres d’altitude et par une température sous la tente qui était de 3° au petit matin (mais quelle expérience !) le groupe prend la route pour cette étape qui se révélera comme l’une des plus difficiles mais également la plus triste. Les 5 premiers kilomètres qui nous mènent au passage de la frontière entre l’Argentine et le Chili sont terribles, sur du ripio toujours ingrat à maîtriser et avec un fort dénivelé. A l’occasion d’arrêt des meilleurs éléments du groupe (toujours les mêmes : Gabriel, Antonio et Christian) pour prendre des photos, je me retrouve en tête à 1 km de la frontière. Je suis bien et monte « facilement » lorsque surgit de derrière moi « un hello Jean-Pierre » lancé par Antonio qui me double sans appel. C’est la première fois que je le vois d’assez près dans son exercice préféré « en danseuse », et je ne peux pas m’empêcher de penser, compte tenu de son aisance au très regretté Marco Pantani. Plus tard, il me dira « Jean-Pierre, j’aimerais monter comme toi lorsque j’aurai 58 ans », j’apprécie… J’arrive donc peu après lui au passage de la frontière, les autres membres du groupe se succédant de 5 minutes en 5 minutes. Des photos marquant ce passage sont prises (individuellement ou en groupe) puis nous nous élançons côté chilien sur un ripio de plus en plus difficile à maîtriser (côté Chilien on dirait les cailloux que l’on trouve entre les traverses du chemin de fer), sur un terrain alternant montées et descentes de très grande difficulté. Nous nous arrêtons pour déjeuner au bord d’un lac de toute beauté situé au kilomètre 33. Nous avions longé ce lac d’un bleu pur depuis fort longtemps et l’avions peu remarqué tellement notre attention était fixée sur la route afin d’éviter les chutes en descente et de nous permettre de poursuivre notre effort sur les montées qui alternaient. Cet arrêt au bord du lac nous permet, un court instant, de décompresser dans un cadre unique. Après cet arrêt, ce sera la grande descente qui nous mènera de 2200 mètres à 1500 mètres en 12 kilomètres sur un chemin « en tôle ondulé » constitué de cailloux et de grosses pierre , bref tout ce que je n’aime pas. Nous repartons après avoir savouré à sa juste valeur ce déjeuner, mais aussi le panorama. Je descends à allure modérée alors que la plupart des autres se sont envolés. Je crains pour moi mais également pour eux. Mon appréhension sera malheureusement justifiée, lorsque 4 kilomètres avant l’arrivée je trouve devant moi Carlos l’épaule en sang, réconforté par Jorge qui l’accompagnait. Il souffre énormément. Je ne sais que faire. Je lui donne un paracétamol sachant parfaitement que cela ne servira pas à grand-chose. Jorge (qui est docteur et qui craint une clavicule cassée) arrête une des rares voitures qui monte pour que son conducteur prévienne notre voiture balai (qui suit les attardés) afin qu’elle accélère sa descente pour prendre en charge notre ami Carlos. Lorsque nous arrivons au campement au bord d’un torrent, Mariano et nos deux toubibs Jorge et Daniel (qui ne sont malheureusement pas spécialistes en traumatologie) examinent Carlos qui souffre de plus en plus. Mariano décide d’amener notre ami Carlos immédiatement vers l’hôpital le plus proche (160 kms et pas sur de l’asphalte !). Nous ne les reverrons pas ce soir.
Le camp est triste mais sa vie se poursuit.
5ème étape / Jeudi 9 février 2006
Valle del Campanario / Lago Colbun ( 87,6 kms)
Dénivelé 266 m. / Moyenne 2 % / Maxi 10 %
Au matin de la 5ème étape en se réveillant nos pensées vont bien naturellement vers Carlos qui n’est pas revenu de l’hôpital, pas plus d’ailleurs que Mariano. Gabriel a été malade de l’estomac toute la nuit ainsi que Laïs qui semble toutefois moins atteinte.
Il faudra attendre 10 heures du matin pour voir arriver Mariano seul. Les nouvelles qu’il nous apporte sont rassurantes mais on comprend mieux, au-delà même des 300 kilomètres parcourus sur cette piste, la nuit qu’il a dû passer, d’hôpital en clinique, de docteur en spécialiste… Ce n’est qu’à 4 heures du matin qu’il a appris que Carlos souffrait d’une luxation de l’épaule et d’une fêlure de la clavicule. Carlos est resté à l’hôpital. Nous le retrouverons samedi à Talca. C’est vers 10 heures 30 que les coureurs prennent la route. Je ne suis vraiment pas rassuré car sur les 25 kilomètres qui nous conduisent au contrôle de police Chilien le dénivelé négatif sera important sur une piste en « zig-zag » qui nous invite à la plus grande prudence. Ces 25 premiers kilomètres sont donc, en ce qui me concerne, effectués on ne peut plus prudemment. Le déjeuner est pris au contrôle de Police, puis nous nous rendons au Bureau d’enregistrement pour légaliser notre entrée au Chili. Il ne nous reste plus alors qu’à parcourir 5 kilomètres sur du ripio, puis 58 kilomètres environ sur une route asphaltée. J’atteins les premiers mètres d’asphalte dans les derniers (ripio oblige) et je commence une poursuite à vive allure vers l’avant. Je remonte un à un tous les coureurs puis rejoins mon ami Ricardo que je laisse un court instant seul pour aller chercher 300 mètres devant Sid pour lui dire qu’il serait nettement, compte tenu de ce vend de face toujours très fort, plus intéressant de boucler les 50 derniers kilomètres à trois (lui, Ricardo et moi) l’Equipe AFA (Argentine –France – Allemagne). Je n’ai peut être pas assez parlé du vent de face qui nous gifle le visage depuis le départ et nous ralentit dans notre effort. En Argentine je pensais qu’il venait du Chili désormais nous sommes au Chili, je pense qu’il vient du Pacifique. Mariano ferait bien de faire son tour dans l’autre sens… Durant les premiers kilomètres qui nous ont réunis nous prenons chacun à notre tour le relais tous les 500 mètres environ mais cela devient très difficile car nous nous relayons à vive allure. A chaque fois qu’il prend le relais Sid se met à jurer violemment en allemand (je ne saurais traduire en français !). Le voyant souffrir je décide de modérer l’allure à 27 km/h et de prendre la tête du peloton jusqu’à l’arrivée. Nous bouclons donc les derniers kilomètres sur asphalte pour nous retrouver tous regroupés à 5 kilomètres du but près d’une station service afin d’ être guidés sur un chemin de terre de sale allure qui nous mènera au campement sur les bords du Lac Colbun. Une fois tous les coureurs regroupés nous prenons effectivement ce chemin. Nous sommes d’une manière générale très fatigués notamment Ricardo qui chute sans gravité sur le chemin de terre en voulant prendre son bidon mais nous sommes maintenant arrivés et nous pouvons comme tous les jours admirer le décor magnifique qui s’offre à nous, tout en nous réconfortant et en avalant les bons petits gâteaux préparés par l’équipe Mariano. A noter que nos amies brésiliennes n’ont pas couru cette journée pas plus que leur compatriote Gustavo qui a été malade et n’a pas arrêté de vomir toute la journée.
6ème étape / Vendredi 10 février 2006
Lago Colbun / Talca ( 49,2 kms)
Dénivelé 94 m. / Moyenne 2 % / Maxi 6 %
Après une nuit passée au bord du magnifique Lago Colbun où la veille au soir Carlos nous a gratifié une nouvelle fois de ses délicieux spaghettis au pesto, le peloton reprend la route pour cette dernière étape longue de 50 kilomètres. Seuls les 5 premiers kilomètres se font sur du ripio (le chemin prit la veille pour se rendre au campement), les 45 kilomètres suivants étant sur asphalte. Le dénivelé positif sera peu important (de l’ordre de 100 mètres), l’altitude du point de départ étant à 430 mètres, nous atteindrons Talca qui se situe à 250 mètres d’altitude. Les 5 premiers kilomètres sont neutralisés, les coureurs restent groupé. La seule recommandation de Mariano pour cette ultime journée sera de faire attention à cette Route Nationale chargée en trafic. Nous saluons Carlos notre cuisinier et Gustavo l’aide de camp qui repartent pour Malargüe à bord de leur jeep. Les adieux n’en finissent pas , ils sont très chaleureux. C’est avec quelques minutes de retard que je m’élance attendu par l’équipe AFA constituée la veille. Je prends la tête de ce petit groupe et nous roulons à très vive allure de l’ordre de 35 km/h. Nous remontons la plupart des coureurs. Seuls restent échappés Gabriel, Christian et El Conde de los Andes (Antonio). A la vitesse où nous allons ils sont rapidement en point de mire. Nous sommes doublés par de nombreux camions et c’est à l’occasion d’un doublement que Sid choisit d’être aspiré par l’un d’entre eux pour rejoindre les échappés – suivant les recommandations de la FFC, je ne suis pas cette option. Je le vois rejoindre le trio de tête toujours en bénéficiant de l’aspiration du camion, imités également par Christian et Gabriel qui ainsi prennent une avance qui sera déterminante. Je continue de rouler avec Ricardo à un train d’enfer. Nous ne tardons pas à rejoindre et à laisser sur place El Condé. Nous bouclons les 30 kilomètres qui nous séparent du point de pause offert à près de 35 km/h de moyenne ! Après une banane réconfortante apportée par Mariano, nous reprenons le départ pour les ultimes kilomètres qui nous amèneront pour cette dernière étape à Talca. J’ai promis à Sid qu’il serait exclu du groupe AFA compte tenu du fait qu’il nous avait laissé tomber lors de la première partie de cette étape. Il se propose alors, pour se « racheter » de mener le peloton lors des derniers kilomètres. Il ne sera pas exclu puisque l’engagement qu’il avait pris sera tenu. Nous bouclons les derniers kilomètres très rapidement pour arriver au point final de notre périple (sur une aire de grande surface proche de Talca). Nous nous congratulons mutuellement, heureux d’avoir mené à bien ce Défi des Andes. J’ai oublié de dire que la vitesse voisine 30 km/h sur ce parcours s’est effectuée sous un chaud soleil de 40° et au milieu d’un trafic important. Après avoir pris dans un café du supermarché voisin une dernière cerveza, Mariano nous réunit sur le parking du supermarché pour une dernière photo de groupe. Au moment de faire sortir « le petit oiseau », ses deux acolytes agitent en courant deux bouteilles de champagne (argentin !) pour nous arroser, c’est la grande joie et la satisfaction du challenge accompli. (A notre grande satisfaction, Carlos notre ami blessé était revenu se joindre à nous avec son bras en écharpe, il est en forme et a déjà oublié ce mauvais souvenir). Un petit car nous mènera à Curico dans un hôtel de très bonne tenue où la piscine « nous tend les bras ». Le soir le dîner d’adieu et la remise des prix réunira l’ensemble des participants. C’est à cette occasion que Mariano remettra à chacun de nous la Médaille du Défi des Andes gravée à son nom ainsi que le maillot officiel de MTB TOURS. Même si désormais une grande fatigue m’envahit (elle durera plusieurs jours), je suis non seulement ravi d’avoir accompli ce parcours mais surtout d’avoir rencontré des gens aimant le vélo, d’une extrême sportivité , avec lesquels se nouera sans nul doute des amitiés sincères. Sans nul doute, je reviendrai participer à une des expéditions proposées par mon ami Mariano.
Je suis heureux !